- elenahoye1
Faut-il en faire toute une histoire ?
Dernière mise à jour : 13 juil. 2020
Ne sommes-nous pas, tous tant que nous sommes, des Faiseurs d'histoires?

Les histoires que l'on se raconte. Sur soi. Sur le monde qui nous entoure. Sur les autres.
Les grands mythes collectifs qui sous-tendent notre civilisation. Ceux qui ont conquis de haute lutte les terres sauvages et levé haut la bannière d'une société patriarcale, ancrée dans sa volonté forcenée de progrès et de domination. Ces mythes de séparation, ces histoires bien établies de lutte acharnée pour la survie, dans un monde antagoniste que nous devons domestiquer coûte que coûte. Ce sont les histoires qui nous ont bercées, celles qui nous ont été inculquées -de gré ou de force- sur les bancs de l'école ou sur les chemins de la vie.
Et puis il y a ces histoires plus inconscientes, qui se jouent dans l'ombre de nos psychés blessées. Celles qui venaient déjà chuchoter dans notre berceau - les mythes familiaux, les épopées ancestrales. Celles de notre cheminement - le regard que nous portons sur ce qui nous est arrivé. La façon dont nous en avons fait le récit de notre vie.
Emergent aussi tout autour du monde des récits fondateurs différents, qui tissent la trame d'une autre tapisserie de la vie, chatoyante et collaborative. Des histoires qui s'imprègnent des paroles des peuples premiers, de celles des grands sages, des chamans, de certaines traditions orientales mais aussi de grands scientifiques... Elles ont en commun un récit d'unité, de profonde connexion avec le vivant. Elles portent une vision holistique et animée d'un monde dont nous sommes partie prenante. Elles présagent l'arrivée d'un nouveau paradigme, ancré dans des valeurs de résilience, de coopération et d'empathie, envers soi-même, avec le monde qui nous entoure et les habitants -humains et non-humains- de notre magnifique planète.
Elles proviennent de partout - elles sont infiltrées dans les terres anciennes, dans les vieux mythes, dans les traditions des peuples premiers. Elles apparaissent dans les laboratoires de certains chercheurs scientifiques. Elles émergent dans le travail d'activistes de la paix. Elles sont cueillies par les agriculteurs qui savent encore écouter la terre. Elles se glissent dans les interstices, on les trouve dans les angles morts, dans les rochers bruns, sur les côtes battues par les vents, dans la voix des enfants. Elles sont à la fois anciennes et nouvelles.
Beaucoup de penseurs se penchent sur l'émergence de ces nouvelles histoires et sur la puissance du storytelling. Certains se passionnent sur le No-man's land dans lequel navigue notre société oscillant entre plusieurs mythes fondateurs tout comme nous oscillons entre plusieurs futurs possibles... Dans cet espace d'ouverture et d'incertitude, je souhaite diffuser ces histoires qui soignent, qui réparent, à un niveau personnel comme collectif.
Je crois profondément qu'en utilisant nos talents de Faiseurs d'histoires mais aussi d'Auditeurs, nous pouvons avancer dans la connaissance de nous-mêmes tout en nous ouvrant vers les autres, qu'ils soient humains, oiseaux ou paysages. Et qu'ainsi, nous pouvons réenchanter notre rapport au monde.
Pour pouvoir -un jour- sortir des histoires et apprendre à vivre au présent.
(Crédit photo: David Mark)