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  • elenahoye1

La montagne qui m'a sauvée - Laurent Wolk

A partir de 12 ans, je dirais...


"Mais plus nous nous approchions de la maison, plus j'étais capable de voir ce que l'ours voit dans le coeur d'un aster violet, ce que la corneille voit dans son nid si haut perché, ce que toute créature inapprivoisée sait dès qu'elle ouvre les yeux - que la vie est une question d'instants, reliés entre eux comme des gouttes de pluie. Il était impossible d'essayer de ne toucher qu'une goutte à la fois, de tenter de les compter, de les ordonner ou de calculer leur valeur une à une. Il fallait se tenir sous la pluie, y rester. C'est ce que je ferais. "



Résumé Lorsque la Grande Dépression lui prend presque tout ce qu'elle possède, la famille d'Ellie est contrainte de quitter sa maison en ville et de recommencer à zéro, au coeur des forêts sauvages de la toute proche montagne aux échos. Là-bas, Ellie se découvre un profond amour pour la nature. Surtout, elle y retrouve une force et une liberté plus que bienvenues, après qu'un accident a laissé son père dans le coma. Déterminée à ramener son père parmi les vivants, la jeune fille se lance dans une expédition pour rejoindre le sommet de la montagne. Une femme y vivrait. Surnommée « la sorcière », elle posséderait d'extraordinaires secrets de guérison. Mais la sorcière et la montagne ont encore beaucoup d'histoires à révéler à Ellie. Et, avec elles, une nouvelle chance de bonheur.


Il y a peu de romans jeunesse actuels qui puisent à ce point dans la connexion entre un lieu et un personnage. La montagne aux échos, la fameuse montagne d'Ellie, est un personnage à part entière, à la fois familier et sauvage, bénéfique ou antagoniste... Une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de mettre en avant cette lecture, c'est le miroir qu'elle m'a tendu. Je n'avais pas réalisé avant, je ne sais pas pourquoi, à quel point la situation actuelle a des points communs avec la Grande Dépression. C'est un récit situé dans une société qui vient de s'effondrer, montrant des héros contraints de retourner vivre de façon plus simple dans la nature pour survivre. Mais ce n'est pas un récit d'anticipation du prochain Effondrement... Cela se passe dans les années 30, et chacun des membres de la famille d'Ellie vit différemment cette coupure avec le confort qu'il a connu auparavant. Et Lauren Wolk sait montrer - à travers les réaction de chacun - les difficultés et les joies que cela engendre, les incompréhensions aussi... Elle ne nous tend pas une paire de lunettes roses, car si, Ellie, notre héroïne, est en harmonie avec ce monde qu'elle apprend à aimer, ce n'est pas le cas de sa mère ou de sa soeur. Et j'ai apprécié ces personnages, qui portent le poids d'un deuil impossible à faire, celui d'une vie qu'elles aimaient et qui leur a glissé entre les doigts.


Je retiendrai surtout de cette lecture l'écriture magnifique de Lauren Wolk (bravo à Marie-Anne de Béru, la traductrice), et sa capacité d'évocation des paysages et des gestes d'un quotidien à la fois rude et simple. Je ne verrais plus jamais les abeilles et les asticots de la même façon ! (dans son souci d'authenticité, Lauren Wolk nous fait partager des passages peu ragoutants...). Et surtout, cette ode à la sensibilité, à la capacité de sentir battre le coeur du monde... ou celui des asters! La société qui se reconstruit, pas après pas, coup du sort après coup du sort, est marquée, mais l'entraide et la solidarité ne sont pas un vain mot. Aider son voisin , troquer des chiots contre une vache, un poisson contre un peu de viande... ou choisir de revenir à la méfiance, traiter l'autre de sorcière et lui fermer sa porte et son coeur.


Les personnages sont attachants et bien développés. Mention spéciale à Captan, le super-héros du livre! Ellie est une héroïne qui, du haut de ses douze ans, a décidé de remettre le monde à l'endroit, de guérir son père coûte que coûte, même s'il lui faut pour cela déplacer des montagnes, sauver des sorcières ou jeter des serpents... En tant qu'adulte, j'ai frissonné devant l'inventivité dangereuse de certaines de ses solutions, mais je ressens cet élan irrésistible qui la pousse à tenter, plutôt qu'à attendre sans rien faire que son père sorte du comas. Et j'ai été profondément touchée par la justesse avec laquelle elle décrit comment elle ressent le monde autour d'elle. Et je vois clairement cette jeune fille qui doit batailler avec des fardeaux bien trop lourds à porter, notamment la culpabilité de l'accident qu'elle endosse pour protéger ceux qu'elle aime. Voilà le genre d'héroïne qui me faisait grandir, adolescente. Et le genre de livre qui touche encore mon coeur, bien des années plus tard, notamment pour sa galerie de personnages adultes qui, bien qu'à peine esquissés, donnent à deviner un monde complexe que je n'aurais sans doute pas aussi bien saisi adolescente, mais qui donnent une profondeur au récit. L'auteure soigne aussi son lectorat adulte.


Et pour finir, je ne peux pas ne pas mentionner la splendide couverture du livre, qui illustre bien des passages de l'histoire, sans rien dévoiler. Bravo!









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