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  • elenahoye1

Sortir du monomythe du héros? Vraiment?

Dernière mise à jour : 16 déc. 2022


Ou comment s'intéresser autrement à la monoculture des mythes...
Et si, sur le seuil de l'aventure, il y avait plusieurs chemins possibles? Et de multiples façons de raconter une histoire qui ait du sens?
Et si - en nous vendant un monomythe universel supposé contenir tous les codes d'une histoire - on nous avait finalement proposé de rester sur la route principale, un modèle de storytelling efficace, mais qui n'est pas un monomythe et qui ne convient pas pour tout le monde, tout le temps?

Si à cette étape, vous vous grattez la tête en fronçant les sourcils, je vous propose de retourner à mon article sur Le monomythe du voyage du héros qui dépiote ce qu'est le mythe du héros et comment il a été établi comme une panacée scénaristique (mais pas que...):


REPRENONS..


Donc, quand je me suis renseignée, j'ai découvert que les critiques ne manquaient pas, et ce dès la publication des thèses de Joseph Campbell1, puis de Christopher Vögler2. Après, les critiques, moi, c'est pas trop mon truc normalement. Mais là, je fais un article pour nuancer la portée de ces théories...


Donc, j'ai trouvé - pêle-mêle- comme toujours, le pire et le meilleur...





Mais déjà, commençons par le commencement. Pourquoi se pencher sur les critiques ? Le Voyage du héros est quand même tellement ancré dans nos réflexes storytellesques que cela semble presque une hérésie..

Et bien, le déclic, pour moi, ça a été la lecture de Femmes enracinées, femmes qui s'élèvent2 de Sharon Blackie. Dès le début de l'ouvrage, elle prend ses distances avec le monomythe et propose un voyage alternatif. Et les mots de cette mythologue spécialisée en culture celtique, jungienne comme Campbell, m'ont touchée et ont permis de mettre le doigt sur certains aspects du Voyage qui m'avaient toujours gênée sans que je me le formule.


D’après Sharon Blackie, Joseph Campbell, en identifiant des étapes communes aux mythes, en se penchants sur la question de la trame, avait une démarche intéressante, AVEC LE PRISME D’UN PROFESSEUR BLANC AMERICAIN PRIVILEGIE DES ANNEEES 50. Et cela fait qu’il serait important de regarder son travail sous un nouvel angle.


D’après elle (et beaucoup d'autres), d'abord, ce mythe ne marche pas pour les femmes (et toutes les personnes qui ne sont pas en résonance avec l’archétype du héros), ni pour les sociétés et les histoires qui ne sont pas centrées sur le seul développement du héros. Joseph Campbell a fait abstraction d’un certain nombre de mythes et de contes présentant d’autres protagonistes, dont l’arc d’évolution ne coïncidait pas avec la figure du “héros” (Sharon cite par exemple tous les contes et mythes autour de la figure du forgeron, qui ont peu à peu disparu de nos mémoires). Il a aussi remanié au placard les contes de fée (pour les filles) et semble récuser la notion de récit populaire: je cite: "L'idée que la poésie des cultures traditionnelles provient du peuple. Ce n'est pas vrai! Elle provient d'une élite. De l'expérience de gens particulièrement doués, qui peuvent entendre la chanson de l'univers"3 (cela m'a beaucoup surprise, considérant ce que j'avais lu de lui, et je serais ravie que quelqu'un me prouve que ces paroles ont été prononcées dans un contexte plus large, qui ouvre la voie à une autre interprétation!)



  • 1. LE VOYAGE DU HEROS ET LES FEMMES

Pas besoin de Voyage pour les femmes?

Pour Joseph Campbell, les femmes n’avaient pas besoin de faire le Voyage parce qu’elles y

sont présentes de deux façons passives: soit elles sont la tentatrice qui teste le héros pour

le dévier de son chemin (Eve, que fais-tu ici?), soit elles sont parées des voiles de la Grande

Déesse représentant “l’amour inconditionnel” que le héros doit aller conquérir pour avoir le

courage d’aller jusqu’au bout de sa quête.


Comme l’explique Sharon: “En d’autres mots, au mieux, les femmes sont la destination:

nous représentons les qualités passives et essentielles que le héros victorieux recherche

activement. L’une de ses étudiantes américaines, Maureen Murdock, raconte que Campbell lui avait dit: “les femmes n’ont pas besoin d’entreprendre le Voyage. Dans tout le voyage

mythologique, la femme est là. Tout ce qu’il lui faut réaliser, c’est que c’est elle que les gens

essaient d’atteindre”. “4


Christopher Vogler, dans la préface du Writer’s journey ( le Guide du scénariste),

répond ainsi, avec honnêteté: “le Voyage du héros est parfois accusé d’être une théorie masculine, concoctée par des hommes pour mieux asseoir la domination masculine, sans prendre en compte le Voyage différent et unique des femmes. J’admets qu’il peut y avoir un regard biaisé, car tant de ses théoriciens ont été des hommes, et j’admets que mon propre regard est celui d’un homme, et que je ne peux m’empêcher de voir le monde à travers le filtre de mon genre. Et pourtant, j’ai tenté de prendre en compte et d’explorer les façons dont le Voyage d’une femme diffère de celui d’un homme.

Il me semble que la plus grande partie du Voyage est la même pour tous les humains, puisque nous partageons les mêmes réalités de naissance, de croissance et de vieillissement, mais bien entendu, quand on est une femme, il y a des cycles, des rythmes, des pressions et des besoins spécifiques. (...) La spirale peut être plus juste quand on décrit le Voyage de la femme (...) ou le modèle des cercles concentriques, où la femme voyage vers le centre, puis vers l’extérieur à nouveau. Le besoin masculin de partir et surmonter des obstacles pour faire, conquérir et posséder peut être remplacé dans le Voyage féminin par le besoin de protéger la famille et le Vivant, fonder un foyer, expérimenter ses émotions, trouver un équilibre, cultiver la beauté.” 5 Et il continue en recommandant le travail de Clarissa Pikola Estes, de Merlin Stone ou de Maureen Murdock, citée plus haut (qui a écrit le Voyage de l’héroĩne, qu’il va falloir que je lise).


Mais les scénaristes hollywoodiens, confrontés au dilemme d’héroïnes féminines, choisissent en général de les transformer en “pseudo-héros”, affrontant les dangers et les cycles de l’histoire d’une façon typiquement yang… Je vous invite à lire le très bel essai que le philosophe Charles Eisenstein a écrit sur ce sujet spécifique (en anglais)

Il a pris pour exemple le personnage de Galadriel dans la nouvelle série d’Amazon, Les

anneaux de pouvoir, dont les scénaristes ont fait une guerrière… Dans leur imaginaire, il n’était manifestement pas possible qu’elle soit quelqu’un de puissant AUTREMENT…Comment auraient-ils pu montrer, comme dans les livres, que Galadriel est une des personnes les plus puissantes des Terres du Milieu, que Sauron la craint, justement parce qu’elle porte et incarne des qualités qu’il ne peut pas comprendre, qu’il ne peut pas contrôler?


La perte des grands archétypes féminins…




Pour Sharon Blackie, beaucoup de mythes et contes étaient centrés, par exemple, sur le personnage de la grand-mère puissante, la Baba Yaga ou la Bonne Mère, de la Selkie… En se focalisant sur le héros, on a mis de côté bien des archétypes puissants qui pouvaient nous aider à mieux vivre, et ce quel que soit notre genre…

”Les femmes doivent absolument se lancer dans le Voyage, bien que ce ne soit pas le

même que celui entrepris par le Héros. Notre périple est différent: nos histoires nous appartiennent. Il est plus que temps de raconter nos histoires et d’ébaucher nos voyages par nous-mêmes. Nous n’avons pas besoin qu’un héros nous définisse”.6


Quant aux étapes du Voyage décrites par les adeptes du monomythe du héros, elles

se font panneaux de signalisation d’un voyage en ligne droite, avec un but, un lieu à

atteindre. Et s’il n’y en avait pas? Si nous partions plutôt en pèlerinage, sans carte et

sans chemin préétabli, avec pour seule feuille de route le chemin que nous traçons

chaque jour et ce que nous en faisons?


  • LE VOYAGE DU HEROS EST CENTRÉ SUR L’HUMAIN


Peut-être plus encore que l’aspect féminin, ce qui m’a permis de comprendre en quoi

je n’étais pas convaincue par le Voyage du héros pour toutes les histoires et toutes

les situations, c’est cette notion d’INDIVIDUALiSATION chère à Joseph Campbell.


Comme l'écrit Bryan Attebery:

"Quand on analyse des histoires à l'aide du monomythe, cela marche à tout les coups, car il simplifie chaque histoire jusqu'à ce qu'il n'en reste que le monomythe, laissant de côté les mythes qui ne racontent pas le voyage d'un héros, et ignorant les symboles et valeurs culturelles spécifiques, qui montrent l'unicité de chaque tradition."7

Joseph Campbell s’est penché sur un nombre de mythes important, venant de civilisations

très différentes. Il leur a appliqué une forme unique (“une forme, pas une formule”, dirait

Christopher Vogler). Et pourtant… Certaines de ces sociétés n’étaient pas focalisées comme

nous sur l’humain. Elles ne faisaient pas de distinction entre les hommes et le Vivant. Et les

quêtes et histoires n’étaient pas nécessairement tissées autour d’une aventure d’un héros.

Quand j’ai lu ça, j’en ai fait des bonds de joie.


Aussi intéressant que soit le Voyage du héros, aussi puissant soit-il pour écrire certaines histoires, dans certains cas, il ne convient pas.

Il ne convient pas, par exemple, quand on n’est pas centrés dans un processus

d’individualisation, quand on ne recherche pas à tout prix la croissance personnelle de

l’individu, mais plutôt à retrouver notre connexion au Vivant, et à nous mettre en chemin

AVEC les dragons, plutôt que de les pourfendre...

(ou, dans le Seigneur des Anneaux, à rechercher Tom Bombadil plutôt que de le virer des films. Ce personnage n’avait pas de sens dans un contexte “du héros”, il n’apportait rien de spécifique au rythme de l’histoire, si ce n’est sa poésie, sa force, sa liberté fondamentale, sa joie de vivre, son énergie d'incarnation de la nature sauvage… J’ai toujours adoré lire les passages sur Tom et Baie d’or, tout en comprenant complètement pourquoi ils ne pouvaient pas rentrer dans un film actuel dont ils auraient bouleversé l’équilibre. Fin de la parenthèse Seigneur des Anneaux)



Comme le dit Sharon Blackie, “le Voyage de l’Héroïne auquel je vous convie dans le livre nous permet de comprendre à quel point nous sommes tissées dans la trame vivante de cette

planète. Ce voyage nous permet de retrouver notre connexion profonde à la terre - mais

au-delà, il nous donne l’occasion de reprendre notre pouvoir et notre rôle ancestral de

gardiennes et protectrices. Le Voyage de l’Héroïne qu’il nous faut entreprendre aujourd’hui

est, avant tout, un voyage de l’éco-héroïne.” (page 33).


S’engager sur un chemin qui ne se mesure pas à notre avancée personnelle dans les obstacles de la vie, mais qui célèbre à chaque pas notre connexion au Vivant, notre compréhension de plus en plus profonde des messages du monde, cela me parle tellement plus!


  • Tous dans le même chaudron... Indigestion !

Il arrive tellement souvent qu’à la fin d’un film à l’action pourtant bien menée, au message pourtant clair, pourtant bien joué, je ressente un sentiment de vide. Pourtant, les scénaristes connaissaient par coeur les étapes du récit. Leur storytelling est irréprochable. Mais je ne suis pas entrée en résonance. Il n’y a rien qui s’est expansé en moi en écoutant cette histoire et la voix de ces héros à l’écran. Juste du vide animé…


Cela m’a expliqué pourquoi ces dernières années j’ai peu à peu délaissé les films, et que je ne regarde quasiment plus que des animé japonais (et des bonnes comédies romantiques anglaises, parce que, quand même…).


Les studios Ghibli et Miyazaki sont la preuve qu’on peut raconter une belle histoire satisfaisante sur notre connexion au vivant sans perdre le fil, même si on leur reproche justement souvent de se perdre en chemin. Pour moi, justement, c’est tout ce qui fait leur substance! Il me semble que leur grande capacité de conteurs profonds leur vient de leur connexion avec leur territoire, avec l'histoire et les mythes japonais, avec leur rythme particulier…


Comme j’aurais aimé que James Cameron se perde en chemin dans Avatar, et qu’il me raconte Pandora, au lieu de me parler de la guerre de Jake! J’aurais tellement aimé plus découvrir les Naavis, la faune et la flore qui les entouraient. J’aurais aimé que l'histoire de Jake et Neytiri soit au centre de son apprentissage, de notre émerveillement, de nos questionnements en miroir sur notre société. Mais cette histoire-là aurait-elle été numéro 1 au box-office? Plus difficile encore: aurait-elle séduit les producteurs?



Et vous? Comment résonnez-vous avec le mythe du héros? Cet article vous a-t-il permis d’identifier des réticences?


Et bien entendu, j'espère vous avoir donné envie avec ces deux articles de lire Joseph Campbell et Christopher Vögler ( ou mieux encore, d'aller écouter une Masterclass, car, vraiment, c'est une expérience pour tout scribouilleur! ).



Et pour finir, et nuancer... Parce qu'on peut toujours extraire un peu tout chez quelqu'un: j'ai vu Campbell être traité de défenseur du patriarcat et des valeurs chrétiennes, j'ai lu des gens poser en réponse le fait qu'il est banni de certaines communautés chrétiennes du fait de son non-christianisme. J'ai lu des gens dire qu'il méprisait les cultures autochtones, d'autres qu'au contraire, il a fait un remarquable travail, respectueux et sincère sur leurs traditions!


Je crois que le plus intéressant, quand quelqu'un s'impose comme le père fondateur d'un mythe - plus encore d'un monomythe, si tant est que cela existe- et bien, il est intéressant de se demander ce qui résonne en nous, et d'aller chercher des réponses critiques avant d'appliquer sa méthode à tous nos écrits sans distinction ! Il est intéressant aussi de le remettre dans le contexte d'une époque et des recherches de cette époque

Voici donc de quoi nourrir le débat, en essayant de ne pas me faire avoir non plus par les critiques gratuites fondées sur des rumeurs.


"Qu'est-ce que le Voyage du Héros peut offrir à celles et ceux qui ne sont pas des héros? Une façon de mieux les comprendre, peut-être, mais certainement pas un chemin ouvert à tous et toutes. C'est pour ces raisons que je n'enseigne le Voyage qu'à ceux qui résonnent naturellement avec l'aspect héroïque. Je continue d'apprécier le travail de Campbell et son enthousiasme et amour pour les mythes, tout en étant conscient de ses limites." 8


POUR ALLER PLUS LOIN (attention, ça balance du lourd)


Sur Joseph Campbell (en anglais)


La série en deux parties de Maggie Mae Fish: la partie 2 sur les nazis est glaçante.







-En finir avec le monomythe, la Chimérathèque


Et d'autres encore:

Voici la banque de ressource proposée par Maggie Mae Fish, je n'ai pas tout vu, cela est donc sujet à caution:

** Alternatives and Critiques of the Hero's Journey **

- "Carrier Bag Theory of Fiction" by Ursula K Le Guin -

"Heroine's Journey" by Maureen Murdoch -


"The Problem of Woman as Hero in the Work of Joseph Campbell" by Sarah Nicholson: https://canvas.brown.edu/courses/1023... -

Intéressant et bien documenté, plus nuancé.


"Reimagining the Modern American 'Monomyth'" by Carley Peace: https://scholarworks.gsu.edu/cgi/view... -

Une thèse utilisant le Voyage comme trame comparative entre deux oeuvres littéraires. Je ne l'ai pas trouvée particulièrement critique envers Campbell, qui donne l'outil de mesure... si ce n'est dans ses rapports avec les mythes amérindiens, notamment le personnage de Coyotte, qui ne rentre pas dans l'archétype du héros.


"The Man Behind the Myth: Should We Question the Hero’s Journey?" by Sarah E. Bond, Joel Christensen: https://www.lareviewofbooks.org/artic...


- "Why I Seldom Teach The Hero's Journey Anymore -- And What I Teach Instead" by Craig Chalquist: https://www.huffpost.com/entry/why-i-...

Expliquant d'abord ses réticences, et proposant un modèle alternatif: le Voyage de Réenchantement.


- "MYTHOLOGY: The Myth of Joseph Campbell" by Mary R Lefkowitz: https://www.jstor.org/stable/41211815

"Beyond the Hero’s Journey: Four innovative models for digital story design" by Steve Seager: https://www.steveseager.com/heros-jou...


- "The Hero at a Thousand Places: Kurt Vonnegut’s Slaughterhouse-Five as Anti-Monomyth" by Ankit Raj: https://www.tandfonline.com/doi/full/...*


* Tangentially Related Sources **

Interview with Phil Tippett about "other narrative possibilities" with his film Mad God: https://youtu.be/RlemDMFWNbQ

- "We Had a Little Real Estate Problem: The Unheralded Story of Native Americans & Comedy" by Kliph Nesteroff

- "The Odyssey" translated by Emily Wilson (read the forward, it's GREAT)


RESSOURCES de l'article:


1.Joseph Campbell “Le héros aux mille et un visages”, J’ai lu

2Christopher Vogler, le Guide du scénariste, Dixit Editions

3. Joseph Campbell (on retrouve l'extait de l'interview dans la série de Maggie Mae Fish)

4. Sharon Blackie, Femmes enracinées, femmes qui s’élèvent (Editions Véga), page 31.

NBIl a même fait pire: j'ai vu une interviw où on le voit raconter que cette même étudiante a osé lui dire en fin de cours: "Mais je veux être le héros!". Il répond en secourant la tête qu'il était heureux de prendre sa retraite en fin d'année... Où va le monde? Des femmes qui veulent avoir une histoire!!!! On peut trouver des extraits d'archive dans le lien de Maggie Mae Fish

5.Christopher Vogler, The writer’s journey, Mu (Mickael Wiese Productions), page 22 (ma

traduction, je ne l’ai pas en français).

6 Sharon Blackie, Femmes enracinées, femmes qui s’élèvent (Editions Véga), , page 31

7.Stories about stories, Bryan Attebery, Oxford University Press, , page 104

8.Why I Seldom Teach The Hero's Journey Anymore -- And What I Teach Instead

"What in the end does the Hero's Journey offer people who are not Heroes? A way to understand them, perhaps, but certainly not a path open to everyone.

Because of these objections I've stopped teaching the Hero's Journey except to those who naturally resonate with Hero figures. I continue to appreciate Campbell's work and his enthusiasm and love for myth even while recognizing limitations."


Sources photos:


Tom Bombadil (auteur inconnu?)

Fox woman - Nathalie Eslick

Pandora - Avatar

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